jeudi 7 juillet 2016

Le Storch au cinéma - une histoire sans image

>En direct de Belgique, depuis un lieu tenu secret, voici quelques informations sur l'aventure de notre Storch préféré dans le monde du cinéma.
Tout d'abord, la confidentialité toute naturelle (quoique frustrante) du projet nous empêche d'en dire trop et surtout de publier des images. Mais votre imagination pourra combler ces manques et je vais tâcher de donner des descriptions adéquates.
Nous avons donc un Storch, transporté en container jusqu'à l'aérodrome de Promesoven (le nom est fictif, mais c'est plus simple), dans le but de participer au film La Promesse de l'Aube, de Eric Barbier.
A l'arrivée du Storch, l'équipe du film n'est pas encore là, elle tourne des scènes dans un autre lieu de Belgique. En revanche, l'équipe de décoration est déjà là, tout comme d'autres avions à décorer pour les mettre au goût de l'époque, la 2e Guerre Mondiale. En langage de cinéma, mettre au goût de l'époque consiste principalement à mettre des couleurs et des cocardes militaires, en fonction du pays représenté, et à user / salir les avions.
En effet, tous les avions invités sont des avions de collection, et à part le Storch ils sont en état de vol et très bien entretenus par leurs propriétaires. Peinture impeccable, lavés tous les jours après les vols. Mais pour le film, nous voulons des avions qui ont vécu, donc avec des rayures, de l'usure, des frottements, de l'huile, de la poussière. C'est là que la déco sait parfaitement rajouter de la fausse poussière, et de la fausse usure pour qu'on croit voir le métal à travers la peinture, alors qu'en fait non.
La magie du cinéma.
Pour le Storch, c'est différent. Notre avion ayant une toile à changer (à part l'aile gauche), ils peuvent aller un peu plus loin en faisant de vrais trous dans la toile. Ca fait un peu mal au coeur de voir les décorateurs enfoncer le cutter là où on leur a montré que ça ne fera pas de dégât, mais c'est ce qui était convenu. Et à la fin, ça donne un avion usé aussi, voir bien mal en point.
Notons le soin apporté par toute l'équipe déco, qui pose bien les questions avant de peindre, qui demande l'autorisation avant de déplacer l'avion, qui fait attention à demander comment ôter tel ou tel plexiglas pour faciliter les prises de vue.
Le résultat final n'est pas esthétiquement plaisant pour ceux qui apprécieraient un Storch prêt à remorquer, mais il faut admettre que c'est de la belle ouvrage et techniquement très réussi. Pour arriver au résultat, les décorateurs ont mis entre 2 et 3 jours. Un jour pour recouvrir les parties sensibles de papier, le reste pour peindre (au rouleau le fond uni) et pour passer les effets d'usure, appelés "patine". Aujourd'hui les plexiglas n'ont pas encore été retirés, mais ça ne saurait tarder.
Grande étape aujourd'hui avec l'arrivée du reste de l'équipe de la Montagne Noire : Bernard Hervé et Laurence.
L'équipe de tournage a migré à Promesoven dans la nuit mais aujourd'hui ils ne commencent à travailler qu'à midi pour finir après minuit. Du coup ce matin nous avons le champ libre pour faire des essais moteur sans craindre de faire du bruit gênant.
Le grand hangar abrite le Storch, un Stampe arrivé la veille et deux Piper. Les Flamant sont dehors, car le reste du hangar sert à construire des décors et d'autres appareillages dont je ne comprends pas encore la destination. Nous sortons le Storch par l'arrière du hanagr qui s'ouvre des deux côtés, à l'aide d'une grande manivelle pour déplacer les portes.
Après une vérification des niveaux et le tour de l'avion, nous attrapons deux extincteurs et nous branchons des VHF afin de pouvoir communiquer entre le pilote (Bernard) et la mécanique (Hervé). Nous brassons (spécialité belge) l'hélice, et le moteur démarre au quart de tour.
Un premier arrêt afin d'investiguer un peu d'essence qui coule mais il s'avère que c'est l'échappement normal quand la pompe est en route. Le moteur redémarre. Et comme tout est stable, nous nous avançons vers le taxiway afin de procéder aux essais de roulage.
Particularité de Promesoven : notre hangar est d'un côté de la route et les pistes de l'autre. Un peu comme à Blagnac, à l'endroit où sont rangés les A320 en attente de moteurs. Heureusement c'est une petite route et les hommes qui gardent l'entrée du site peuvent interrompre le trafic durant notre traversée. En revanche, toutes les voitures qui participent au tournage n'ont pas toujours la même amabilité et les gardiens eux-mêmes s'approchent un peu trop prêt de l'hélice par moment. Il faudra refaire un briefing sécurité.
Une fois sur la taxiway, Bernard répète sa scène : accélération arrêt. Au sol, je rappelle que l'avion n'est pas en état de vol. Exercice facile car déjà répété à la Montagne Noire, mais ici sur du plat c'est encore plus facile de garder l'axe et de rouler un peu plus longtemps sur ce beau et large taxiway.
Répétition inutile alors ? Pas complètement. Si la mécanique a tenu et s'est comportée comme chez nous, la déco n'a pas aimé le souffle du moteur Jacobs. Certaines parties du papier sont parties à la mise en puissance. La déco ne va pas aimer, mais c'est toujours mieux de s'en percevoir là que le jour du tournage.
D'ailleurs il reste quelques jours, et les peintres viennent cet après-midi pour voir comment rattraper le travail. La magie du cinéma va opérer.
En attendant pour ma part je fais un peu de figuration, vous me verrez peut-être au fond de dos, ou flou en premier plan. L'équipe de tournage est très nombreuse, avec des rôles bien déterminés, mais quand on commence à comprendre qui fait quoi on voit que c'est assez efficace. Et si on connaît la bonne personne, ça marche bien. En tant que techniciens avion nous n'avons pas un rôle très important surtout quand le Storch n'est pas au programme du tournage du jour, et pourtant ils savent faire attention à nous.
Et en plus vous savez quoi ? Les repas sur le lieu de tournage sont bons.